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Actualité de la rénovation à gauche
21 novembre 2007

Réglements de comptes, Julien Dray

LCI.fr : La réforme des régimes spéciaux est le vrai premier test de la méthode Sarkozy. Comment la jugez-vous ?

Julien Dray, PS : Cette méthode est contradictoire car Nicolas Sarkozy hésite entre deux tentations.  D'une part, essayer de montrer symboliquement à un électorat de droite qu'il peut faire une réforme que les autres n'ont pas osé faire. D'autre part, montrer qu'il est capable de faire une réforme par consensus, avec l'esprit d'ouverture qu'il a mise en place au niveau gouvernemental. Ce tiraillement explique la confusion de la semaine qui vient de s'écouler.

LCI.fr :  Vous parlez de confusion, on peut parler de souplesse, non ?

J.D. : Je n'ai jamais pensé qu'il fallait enfermer Nicolas Sarkozy dans un dogme. Il est essentiellement pragmatique. Cela lui permet donc de suivre des lignes différentes de celles que l'on attendait. Mais l'erreur qu'il a commise avec cette réforme est de croire qu'il pouvait passer en force. Et maintenant, il essaie de se ménager une porte de sortie.

LCI.fr : Vous appelez à un nouveau Parti socialiste. Comment une gauche moderne aurait mené une telle réforme ?

J.D. : Les agents de la SNCF ou de la RATP ont le sentiment qu'on les désigne à la vindicte populaire. On aurait dû montrer que l'effort qui était demandé l'était à tous. On aurait du faire une grande table-ronde sur les retraites, celle qui devra de toutes façons être ogranisée en 2008, pour montrer aux agents bénéficiant de régimes spéciaux que l'on mettait à contribution tous les revenus, y compris les revenus financiers. Si l'objectif est bien de sauver la système par répartition, il faut que tout le monde y mette du sien. Or là, il y a un sentiment d'injustice.

LCI.fr : Vous plaidez pour une opposition pragmatique à Nicolas Sarkozy, contre une diabolisation lyrique.. Le PS a-t-il fait des progrès en la matière ?

J.D. : Ca commence... Mais je pense qu'il y a des tentations faciles de le caricaturer. Or, on rend service à Nicolas Sarkozy en le caricaturant. Dans mon livre, je cite le cas du document d'Eric Besson qui faisait de lui un "néoconservateur américain à passeport français". De la même manière, le traiter de "facho" quand il était ministre de l'Intérieur était la bonne façon pour lui de ne pas avoir à répondre concrètement des résultats de son action.

Nicolas Sarkozy connaît parfaitement le système médiatique. Il en joue en temps réel. J'appelle cela le bonapartisme télévisé. Il sait jouer du lien direct avec les Français. Et si les dirigeants socialistes ne savent pas s'impliquer dans un tel dispositif, ils seront toujours en décalage et en retard.

LCI.fr : Depuis le début du conflit, les grandes voix du PS sont silencieuses, Royal mais surtout Delanoë... Est-ce normal ? 

J.D. : Je ne vais cibler personne. Je dis seulement qu'il faut en finir avec le système des éléphants, celui où chacun n'est obsédé que par une chose, la présidentielle de 2012, de 2017, etc... Le PS est paralysé par ces jeux. Dans la période actuelle, on voit bien la timidité ambiante. Cette timidité s'explique : c'est difficile d'être un dirigeant socialiste en ce moment. Il doit concilier des points de vue qui sont au départ parfois inconciliables. Quand on est présidentiable, on regarde les sondages. Or les grève sont impopulaires, donc l'on se demande si l'ont doit monter au créneau. Mais en même temps, en tant que socialiste, on ne peut pas laisser tomber les salariés. Du coup, c'est "courage, fuyons". On s'invente alors des agendas surchargés pour ne pas prendre sérieusement position dans les médias.

Nous sommes dans une épreuve et c'est là que l'on juge ce que chacun vaut, son caractère. Il faut un peu de courage. Mais je ne me plains pas de la situation actuelle, j'en souris... Peut-être que c'est le moment pour les jeunes lionceaux de sortir du bois et de montrer qu'ils ne sont pas comme les éléphants.

Moi j'ai été silencieux pendant des mois, je reviens aujourd'hui en prenant mes responsabilités au travers d'un livre*. Un leader socialiste dans le contexte actuel doit accepter la confrontation et dire les choses : les 40 annuités pour tous les salariés mais avec une bonne méthode de réforme des régimes spéciaux, contre les blocages actuels des universités mais plus de moyens pour leur avenir, etc ...

LCI.fr : Selon vous, le PS a-t-il commencé sa rénovation ?

J.D. : On n'a pas fait beaucoup de chemin car la méthode choisie par François Hollande reste de faire prévaloir la synthèse sur la discussion et la clarification. Mais j'ajoute immédiatement que ceux qui demandent en permanence de trancher les sujets se cachent dès lors qu'il faut trancher.

Il n'y a pas de discipline collective car le PS n'est pas un grand parti populaire. C'est une association de courants et c'est pour cela que prévaut toujours la synthèse. Il faut aujourd'hui donner une nouvelle ampleur au parti, avec 300 000 ou 400 000 militants. Dans ce cas, une majorité saura se faire respecter avec un réel vote des adhérents. Je crois aussi beaucoup à la richesse de la démocratie participative qui permettra de trancher sur les sujets qui nous divisent.

LCI.fr : Soutenez-vous l'initiative de Cambadélis, Bartolone et Montebourg visant à éviter que les présidentiables (Royal, Delanoë) ne succèdent à Hollande au congrès de 2008 ?

J.D. : Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne méthode. Je suis contre les jeux de mécanos et aussi  contre les chasses aux sorcières qui mettent tout sur le dos d'un seul homme. Quand Jean-Christophe Cambadélis propose cela, il préserve les chances de Dominique Strauss-Kahn qui ne peut se présenter au congrès de 2008 car il préside le FMI.

La période est au combat politique. C'est ce combat qui permettra de juger la valeur de celui ou de celle qui sera capable de diriger les socialistes. Sera-ce ou non un présidentiable ? C'est la détermination, l'engagement et la valeur des idées qui seront les critères du choix. Tout est ouvert. La désignation du leader ne se fera plus autour d'une table, ou par des combines. 

LCI.fr :  Que pensez-vous des groupes de travail autour des rénovateurs strauss-kahniens ou de celui de Manuel Valls ?

J.D. : S'ils apportent des idées, tant mieux. Pour l'instant, ce sont des groupes de travail qui reflètent plutôt le mal-être, des exercices de thérapie ou chacun exprime son malaise. Moi, j'ai plutôt essayé de résoudre mon malaise par la plume et par une certaine prise de distance. Mes électeurs m'ont redonné une légitimité dans ma circonscription, ce qui fut également important.

LCI.fr :  Vous dites avec honnêteté votre vérité sur Ségolène Royal dans votre livre. Est-elle sur la bonne voie depuis la rentrée ?

J..D. : Quand on a subi ce qu'elle a subi, on est dans une phase transitoire. Elle est dans cette phase, celle de l'analyse, de la réflexion. On ne peut pas lui demander du jour au lendemain d'avoir une réponse sur tout, d'avoir une explication lumineuse sur tout.  Il faut laisser infuser, comme on dit.

LCI.fr : On vous a toujours présenté comme le porte-flingue du PS, ils sont rarement populaires. A 52 ans, vous rêvez d'autre chose ?

J.D. : On a tous envie d'être aimé, même à 52 ans. J'essaie maintenant d'être plus objectif dans mes jugements, d'être moins péremptoire et d'intégrer la complexité des choses. J'essaie de respecter un mot : l'honnêteté politique. Le PS a besoin aujourd'hui de responsables qui s'assument et qui sont courageux dans la confrontation politique. 
 

* Réglements de comptes, Hachette Littératures, 17 euros

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