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Actualité de la rénovation à gauche
25 avril 2007

HERVÉ LE BRAS - DÉMOGRAPHE, DIRECTEUR D'ÉTUDES À

4567679HERVÉ LE BRAS - DÉMOGRAPHE, DIRECTEUR D'ÉTUDES À L'EHESS

Sarkozy a presque épuisé ses réserves à l'extrême droite

[ 24/04/07 ]

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Hervé Le Bras.

Observe-t-on des correspondances entre l'ancrage territorial de Nicolas Sarkozy et celui de Jean-Marie Le Pen ?

Absolument. C'est même rare que ce soit aussi lumineux. Nicolas Sarkozy a fait main basse sur l'électorat de Jean-Marie Le Pen. Personne ne s'attendait à ce que le leader du FN soit si bas. Le candidat de l'UMP lui a pris des voix un peu partout, mais surtout en Rhône-Alpes, autour du bassin méditerranéen, en Alsace, à la frontière Est et dans la région parisienne. En revanche, sa stratégie a été moins payante dans le Nord et en Lorraine.

Le candidat de l'UMP dispose- t-il encore d'une réserve de voix auprès de l'électorat du FN ?

Traditionnellement, le FN du Midi se reporte massivement, à 75 % environ, sur la droite, à la différence du FN du Nord, où les ouvriers ont du mal à voter pour la droite traditionnelle. Comme Nicolas Sarkozy a fait le plein du vote FN dans le Sud, sa réserve est peut-être plus faible qu'on ne le pense.

Quelles sont les caractéristiques de cette France-là ?

Ce sont d'anciennes régions de population agglomérée, c'est-à-dire des régions où les gens vivaient traditionnellement dans des villages ou des villes où les liens de sociabilité étaient très forts : on connaissait ses voisins, on travaillait avec eux, on les rencontrait chez les commerçants, etc. Or le tissu social s'est délité. Le vote Le Pen et aujourd'hui le vote Sarkozy signalent ce trouble de la sociabilité. A tort ou à raison, les gens ne se sentent plus en sécurité chez eux, ils vont au supermarché, ils ne se croisent plus, le voisin est devenu un ennemi. La peur de l'étranger, la peur de l'immigration, c'est en fait la peur du voisin qu'on ne connaît plus. Cette France-là s'oppose à la France des bocages, qui recouvre la Bretagne, l'Ouest intérieur et le Nord-Ouest et le sud du Massif central. Ces régions, où le vote Le Pen est peu présent, ont connu un mouvement inverse : les gens vivaient isolés les uns des autres, mais les moyens de communication et de transport les ont rapprochés. Comme le montre la carte des gains de voix de Nicolas Sarkozy, la ligne de partage va du Havre au rivage méditerranéen en passant par Dijon et Marseille. On peut repérer ce clivage territorial, qui est très stable historiquement, dès le XIXe siècle, comme en témoignent les travaux de Marc Bloch.

Y'a-t-il d'autres traits communs ?

Ce sont des régions où l'on croise des immigrés, mais où on ne vit pas avec eux. Le vote FN et Sarkozy fonctionne pour ces gens qui sont « ni près ni loin » des personnes issues de l'immigration ou des étrangers.

La carte de Nicolas Sarkozy ne correspond donc plus à la carte de la droite traditionnelle ?

Depuis un siècle, la carte de la droite traditionnelle est liée à l'opposition entre la France laïque, à gauche, et la France catholique, à droite. C'était encore vrai en 2002. En 2007, elle se retrouve plus dans le vote Bayrou que dans le vote Sarkozy, qui a perdu du terrain en Auvergne, où Jacques Chirac faisait de bons scores, et en Vendée, où il a souffert de la concurrence de Philippe de Villiers.

Quelle est la géographie du vote en faveur de Ségolène Royal ?

Elle a gagné des voix dans le Grand Sud-Ouest, en Bretagne et sur la côte de la Manche. Globalement, elle est parvenue à remobiliser un électorat de la gauche traditionnelle. Son électorat dessine une carte qui nous ramène assez loin en arrière, celle du radical-socialisme, au profil plutôt laïc, assez « IIIe République ». C'est une France « vitrine » qui se porte bien, qui échappe à la désindustrialisation et au chômage. Mais ce n'est pas un vote « bobo » pour autant, puisqu'elle ne fait pas ses meilleurs scores dans le centre des grandes villes. On ne peut pas dire non plus qu'elle récupère l'électorat communiste, à part peut-être celui des « paysans rouges » dans le Limousin.

Dispose-t-elle d'une réserve de voix ?

Oui. Du côté de l'extrême gauche, qui a peur de Nicolas Sarkozy et fera tout pour le battre. Et du côté de François Bayrou.

Où se trouvent les électeurs du leader centriste ?

François Bayrou a fait une percée à la fois sur les terres de gauche et sur le terrain traditionnel de la droite. Mais ses gains par rapport à 2002 sont répartis de manière assez homogène sur l'ensemble du territoire. Si bien que l'on peut parler de « vote national ». Son électorat correspond à une population de cadres moyens, intégrée dans le système. Certains observateurs ont cru qu'il pourrait se substituer au vote Le Pen avec son « ni droite ni gauche ». C'est une erreur : son côté modéré ne plaît pas du tout aux lepénistes. Ce qui signifie que Nicolas Sarkozy, entre les deux tours, va devoir faire le grand écart pour convaincre les électeurs bayrouistes, qui sont anti-FN, et les électeurs frontistes.

PROPOS RECUEILLIS PAR CARINE FOUTEAU
 
Tous droits réservés - Les Echos 2007

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